J'étais accroupie contre un mur froid. En même temps, vous en avez déjà touché des murs chauds ? Surtout alors que le froid s'était abattu sur la ville depuis une semaine. Plus un rayon de soleil ne transparaît derrière les épais nuages, si bien que l'on vit dans une perpétuelle pénombre. Cette fois, ma mission m'a conduite dans un recoin de Prague. On n'y pense pas forcément, mais le pouvoir du Seigneur des Ténèbres s'étend bel et bien jusque là. Le monde s'est teinté de gris, de vert et de peur. Pourtant, aucun de ces choses ne semblent pénétrer mon coeur. J'observe un instant mon regard dans ma lame brillante. Là, juste à quelques pas, il y a ma proie. Il y a celui que l'on m'a chargé de tuer. Ce qu'il fait là ? Je n'en sais rien et n'en ai rien à faire. Ce que les moldus voient en lui ? Sûrement un cavalier et son cheval. Oui, là, juste derrière ce coin de ruelle sordide, trône un centaure. Ce que je peux haïr ces bestioles. Toutes, peu importe que j'ai un mandat d'exécution à leur nom ou pas. Ils ont tué mes parents. Est-ce vrai ou un mensonge habile pour dissimuler la fin terrible de ses parents à une petite fille ? Peu importe. J'ai grandi dans la haine de ces créatures et cela aide bien le Ministère. Je ne cherche même pas à savoir pour quel crime on m'a envoyé l'abattre, je ne le sais jamais. Je ne veux pas le savoir. Un dernier coup d'oeil à ma dague et je la glisse sans bruit dans son fourreau. Pas maintenant, non, pas maintenant... Je veux sentir ma main, mon poignet plonger dans la chair de l'homme mi-cheval. Je veux sentir son sang chaud et poisseux sur ma peau. Je n'aime pas tuer. Non, vous ne me ferez jamais avouer le contraire. Mais les centaures, j'en fais une affaire personnelle. Je risque un coup d'oeil derrière la brique. Il parle avec un homme, un sorcier assurément. Bon, mauvais ? Peu importe, je n'ai rien contre lui. Peut-être que l'on me renverra dans le coin pour le tuer plus tard. Ou peut-être voudra-t-il protéger le centaure et que, finalement, il finira au bout de mon couteau. Qui sait.

Je me relève sans bruit, ma baguette à la main, prête à lancer un sort. Je veux voir la peur sur son visage alors qu'il découvrira le mien. Je veux sentir l'angoisse courir sur sa peau et secouer les crins de sa queue. Je veux voir la terreur dans son regard alors qu'il affrontera ma soif de vengeance. Je me retourne, pivotant sur mes pieds pour dévoiler ma présence. Ils ont à peine le temps de se demander qui va là qu'un sort bleu jaillit de ma baguette et percute le centaure en pleine poitrine. Il rugit. Se cambre. Manque d'abattre son compagnon. Ça m'aurait bien faciliter les choses. D'un nouveau mouvement de baguette, je lance de nouveau le même sort. Plus fort. Avec plus de rage. L'homme hennit comme sa moitié animale l'aurait fait. Un sourire fleurit sur mes lèvres et je lance un vulgaire stupefix au sorcier qui recule précipitamment dans son coin. Il n'allait pas m'échapper aussi facilement. Pas avant d'avoir vu ce qui lui tomberait peut-être sur la tête un jour. Fricoter avec ces êtres, ces créatures, ces viles créatures. Derrière mon sourire satisfait, je serre les dents. Meurs ! Meurs !, chuchote une voix dans ma tête. J'ai envie de l'écouter. De laisser couler, de la laisser me pénétrer, chaque veine, chaque pore de ma peau. Ma main gauche commence à trembler. Je dégaine ma dague pour l'empêcher. Baguette dans la main droite, dague dans la gauche. Un pas de plus. Je fusille du regard le traître à son sang — comment a-t-il osé s'allier avec une bête ?! — sous le large bord de mon chapeau. Une mèche blonde s'échappe alors que je me tourne vers ma mission. Qui aurait cru qu'une petite sorcière telle que moi pourrait faire peur à un grand homme-cheval tel que lui ? Mais alors qu'il semblait reconnaître qui j'étais — quel centaure n'en aurait pas été capable ? Après tout, si j'étais une Exécutrice réputée, je l'étais encore plus auprès de la communauté des centaures — ses sabots frappèrent le sol pavé pour mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Un sourire narquois déforma mes lèvres alors que je levais de nouveau ma baguette. Il voulut fuir. Mais rapide comme l'éclair, je lançai ma dague dans son flanc. Juste là où il faut, sectionnant le nerf. Il s'affaissa à moitié et je plongeai mon regard dans le sien alors que je pointai ma baguette sur sa gorge. Ses yeux s'écarquillèrent d'horreur alors que l'air s'échappait doucement de ses poumons, sans être remplacé. Ils se teintèrent de rouge quand il se fit trop rare. Un râle rauque racla la gorge du centaure. — Au nom du Ministère de la Magie, et de mes parents défunts, je t'envoies rejoindre tes congénères dans les flammes de l'Enfer. Puisse-tu y trouver la paix. — Oui, bon, d'accord, ça n'avait guère de sens... Mais c'était ma petite phrase habituelle, à la sauce centaure. Les autres pouvaient bénéficier de ma pitié et de ma compassion. Sûrement pas les centaures.