Le garçon marchait dans la neige. Cela faisait plusieurs jours que personne ne sortait de Poudlard, probablement par peur de se retrouver gelé sur place avant d’arriver à aller où que ce soit. C’était un risque, en effet. Le vent glacé lui engourdissait peu à peu chacun de ses membres, mais il devait aller à la volière. Oui, la volière. Il devait envoyer une lettre à sa grand-mère, et personne au château n’tétait d’humeur à prêter sa chouette au gros benêt de Neville Londubat.

Sa grand-mère était une vieille sorcière, qui avait toujours été très stricte avec Neville, mais il ne pouvait arrêter de penser qu’au fond, elle le faisait pour son bien, et non seulement parce qu’il n’était pas comme son père. Il n’avais jamais connu ses parents. Oh, bien sur, il les voyait, il leur rendait même visite chaque année, mais il s’agissait de deux étrangers pour lui. Ça avait été très difficile quand il était encore enfant de devoir accepter que ses parents étaient partis, qu’ils étaient déconnectés de la réalité. Mais pourtant, quand il allait les voir avec sa grand-mère pour Noël, sa mère le regardait, lui caressait le visage avec tendresse, et son père lui souriait. Qu’était il pour eux ? Un étranger ? Un enfant à qui l’on s’attache l’espace de quelques minutes, puis qu’on oublie tout le reste de l’année ? Il était souvent allé voir sa grand-mère, en lui demandant ce qui leur étaient arrivés, pourquoi ils étaient comme ça, eux, et pas les parents de ses camarades d’école. Avec patience, sa grand-mère lui demandait de s’assoir. Et elle racontait toujours la même histoire.

Son père était un sorcier brillant, très talentueux, très courageux. Il avait un grand cœur et était toujours prêt a aider les autres, et il réussissait dans la plupart des choses qu’il entreprenait. Et puis, il avait rencontré sa mère et ils s’étaient aimés. A cette époque, quand sa mère tomba enceinte, le monde des sorciers était très troublé. Un grand mage noir exhortait ses partisans à tuer et torturer les sorciers issus de familles moldues, et ils voulaient voir la naissance d’une nouvelle génération de sorciers, plus méritants que les autres, car leur sang serait « pur ». A chaque fois, sa grand-mère faisait un pause à ce moment là, regardant les braises dans l’âtre de la cheminée. Quand elle reprenait la parole, sa voix était calme, contrôlée, mais il sentait des vibrations de détresse et de profond chagrin dans sa voix. Elle lui disait que peu après sa naissance, ses parents avaient étés attaqués par des adeptes de ce mage noir, mais qu’ils avaient refusés de se rendre. Ils étaient des sang-purs, et pourtant étaient prêts à mourir pour défendre leurs convictions. Mais on ne les avait pas tué, la cruauté de leurs agresseurs était bien là. Ils avaient préférés les torturer à tel point qu’ils avaient perdu la raison. Alors, ils les avaient abandonnés là, hagards, de la bave coulant sur leurs mentons. Même eux ne se connaissaient plus. Ils étaient morts, mais leur corps subsistaient encore.

Neville secoua la tête. Ses cheveux étaient en train de geler, mais il persévérait. La volière n’était plus si loin désormais. Oui, le sort de ses parents avait été une véritable source de douleur, inépuisable. Pourquoi, lui, n’avait pas eu la chance des autres jeunes sorciers de son âge ? Pourquoi sa grand-mère ne cessait elle pas de la rabaisser en lui disant qu’il ne serait jamais à la hauteur de son père ? D’un certain point de vue, c’était vrai, quand il se rappelait de ses premières années à Poudlard.

Neville était un petit garçon grassouillet, fragile, timide et perdu. Le Choixpeau avait décelé en lui une certaine volonté, un certain courage, même si le petit garçon n’arrivait toujours pas à le percevoir en lui, et l’avait envoyé à Gryffondor. Cette année même, le célèbre Harry Potter, celui qui avait vaincu Vous-Savez-Qui alors qu’il n’était qu’un bébé. Une véritable légende vivante. Et cet Harry Potter, ce jeune sorcier sympathique, avait été affecté au même dortoir que Neville ! Il admirait la facilité avec laquelle Harry se sortait de la plupart des situations. Lui, il avait un grand courage, un grand charisme, et il n’avait pas eu de mal à se faire des amis. Ron et Hermione surtout. Tout les jours, lorsqu’il les voyait se promener ensemble, il se demandait pourquoi, lui, n’avait aucun ami. Les premiers cours de Poudlard furent un véritable désastre. Neville n’arrivait pas à lancer un seul sort convenablement, ce qui lui valait les reproches de la plupart des professeurs, particulièrement Minerva MacGonnagal et Rogue, le maître de potions.

Neville sourit. Oui, Rogue l’avait toujours terrifié. Quand il passait dans les rangs, il était tétanisé par la peur, peur de subir une autre remarque acérée et d’être une fois de plus la risée de ses camarades. Voilà, c’était Neville : le pitre de service, le pauvre petit qui oubliait tout, qui n’avait pas plus de charisme qu’une bombabouse sous le pied d’Harry Potter.

Heureusement, chaque année, il réussissait suffisamment les examens pour ne pas redoubler. Cela aurait été la fin du monde s’il avait échoué : sa grand-mère le lui aurait reproché jusqu’à sa mort. Pourtant, il avait bien la baguette de son père, la baguette magique qui avait fait tant de merveilles dans le passé, alors pourquoi n’était il pas comme son père ? Pourquoi la seule matière qu’il aimait et dans lequel il était, on pouvait le dire, brillant, était la botanique ? Une matière sans intérêt pour sa grand-mère, mais qu’il trouvait passionnante. Il se sentait plus proche de toutes ces plantes magiques, qui avaient leur propres habitudes et leur propres manières d’agir que de la plupart des sorciers de Poudlard. La seule sorcière qui trouvait vraiment grâce à ses yeux était Ginny, la petite sœur de Ron. Bien sur, il gardait ça pour lui, pas question d’en parler à qui que ce soit, pas même Harry.

Neville commença à monter les marches qui menaient à la volière. Il avait quand même été très naïf pour ça. Ginny avait bien acceptée de venir au bal avec lui en 4ème année, mais il avait bien finit par comprendre qu’elle n’était absolument pas attirée par lui. Il s’était renfermé sur lui-même pendant quelques temps, puis avait finit par l’accepter. Il ne s’en souciait pas plus que ça aujourd’hui. Neville savait qu’il finirait bien par trouver un jour, si on ne l’enterrait pas avant.

Le Tournoi des Trois Sorciers. Cela avait été, en quelque sorte, le début de la plaque tournante pour Neville. La fierté d’avoir aidé Harry, de lui avait permit de remporter la seconde épreuve. A la réflexion, s’il avait pu anticiper ce que deviendrai son ami, ou même simplement ce qui se passerait plus tard dans le Tournoi, il ne l’aurait pas fait. Mais ce qui est fait est fait, et il lui était impossible de revenir en arrière. Quand on ramena le corps de Cédric Diggory et que Harry, et Dumbledore affirmèrent qu’Il était revenu. Neville n’avait jamais bien comprit le comment du pourquoi, mais il y croyait. Harry et Dumbledore étaient trop honnêtes pour mentir comme ça. La Gazette, elle, disait qu’ils étaient fous, et qu’ils étaient en plein délire. Mais Dumbledore ne s’était jamais trompé, lui. Non, Vous-Savez-Qui était de retour, et il allait falloir s’y préparer.

En fait, la véritable année clé du changement de Neville fut sa 5ème année. Il commença à changer physiquement, prenant pas mal de carrure. Il était à présent un des garçons les plus costauds de sa chambre, derrière Ron peut être. Son changement physique commença à lui redonner confiance en lui-même. Pour la première fois, il n’avait pas peur en lançant un sort en cours de métamorphose, et il était même parvenu à répondre à Rogue pendant un cours de Potion ! Bon, hormis le fait que cela lui avait valu une semaine de colle tout les soirs avec son professeur le plus haï, ses amis de Gryffondor commençaient à voir en lui un nouveau Neville. Il commença à se rapprocher du trio. Et puis, il y eu l’AD. A ce moment là, quand il s’engagea dans cette association de défense, il eut vraiment l’impression d’être comme son père, de rentrer dans la résistance. L’AD devint l’échappatoire de Neville, qui faisait des progrès constants sous les yeux attentifs de son ami professeur. Il avait l’impression d’être accepté par les autres membres de l’AD, et pour une fois, cela lui faisait vraiment le plus grand bien.

Neville entra dans la pièce circulaire. Des centaines de hiboux et de chouettes étaient là, prêts à partir pour délivrer une lettre. Il choisit une petite chouette noire, lui accrocha soigneusement la lettre, puis le regarda partir dans le paysage enneigé. Il sortit sa baguette pour nettoyer les murs, histoire de donner un petit coup de main. Cela ne coutait rien après tout. Ses yeux se posèrent sur son outil de bois.

Sa baguette. Oui, là encore, il y avait quelque chose d’important. A la fin de sa 5ème année, il participa à la bataille du Ministère de la Magie. Il y avait de nombreux Mangemorts. Neville s’était battu du mieux qu’il avait pu, mais un Mangemort qui avait cassé sa baguette. Blessé et impuissant, le Gryffondor était allé chercher un abri, trainant les deux bouts brisés de la baguette de son père. Il n’assista pas à la fin de la bataille, et ne vit pas le changement inquiétant d’Harry.

L’été qui suivit fut assez particulier. Sa grand-mère voyait enfin en lui son petit fils, le véritable fils de son père. Elle ne lui reprocha jamais d’avoir brisé la baguette de son père. A la place, elle lui offrit sa première véritable baguette magique. Avec réflexion, ce changement de baguette fut le dernier pas vers ce qu’il était aujourd’hui. Il laissait définitivement l’ombre de son père pour devenir lui-même. Désormais, il ne regardait plus ses pieds quand il disait à quelqu’un : « Je suis Neville Londubat ».

Que dire de sa sixième année à Poudlard ? Neville continua de fréquenter le trio, malgré les colères compulsives et de plus en plus fréquentes d’Harry. Il mettait cela sur la frustration de ne pas avoir pu sauver Sirius, son parrain. Il avait enfin pu arrêter la potion et ne subissait plus la dictature de Rogue, ce qui lui faisait vraiment très plaisir. L’AD semblait finit. Harry n’organisa plus de réunions pour apprendre la défense, prétextant qu’ils n’en avaient plus besoin, ou qu’il n’avait plus le temps. Neville continuait à s’entrainer, tout seul. De temps en temps, il allait demander des conseils à Hermione ou encore à Ginny pour réaliser tel ou tel sortilège. Il savait qu’avec Son retour, il aurait un jour besoin de se battre. Un jour, il se retrouverait face à Bellatrix et il la regarderait dans les yeux. Et il lui dirait tout ce qu’il avait rêvé de lui dire, il lui hurlerait sa colère et sa haine, ses années de souffrance, la douleur de ne jamais avoir connu ses parents. Et puis, il la vaincrait.

Le meurtre de Dumbledore, à la fin de l’année. Un véritable ouragan pour la plupart des élèves. Rogue. Oui, ça devait être lui, ça ne POUVAIT être que lui. Peu de temps après la mort du Directeur de Poudlard, il fut convoqué par Minerva. Des larmes de rancœur coulaient sur son visage. Il s’était battu pourtant, mais il n’avait pas réussit à l’empêcher de passer le barrage pour atteindre la tour d’astronomie. Si Dumbledore était mort ce soir, c’était un peu de sa faute. Mais les révélations et bouleversements n’étaient pas prêts de finir.

« - Entrez, Londubat.
Neville ouvrit la porte pour arriver dans la bureau de Dumbledore. Des dizaines de tableaux se turent pour le regarder, se demandant surement ce qu’il faisait là. C’était une question qu’il se posait aussi. Le professeur McGonnagal était debout devant le bureau, le visage fermé. Elle semblait faire un véritable effort de contrôle de soi, apparemment effondrée par les évènements. Etourdit, embarrassé, Neville demanda d’une petite voix :
- Madame ? Vous… vouliez me voir ?
Elle n’ouvrit pas yeux, mais acquiesça.
- Asseyez vous Londubat s’il vous plait, dit elle, tremblante.
Neville s’assit avec lenteur. Un laps de temps passa. Neville bouillonnait de couleur envers Rogue. Ce traître !
- Vous voulez savoir si j’ai laissé passé Rogue ? Oui, je n’ai pas réfléchit. Il est passé, et il a tué Dumbledore.
Il se leva d’un coup, tapant du poing sur la table.
- Je le retrouverai et je lui ferait payer !
D’un signe de la main, elle lui demanda de se rassoir. Puis, elle ouvrit les yeux. Ses yeux étaient rouges et humides, mais elle gardait une certaine dignité, même dans cette situation.
- Non, Londubat, Severus n’a pas tué Albus. Son meurtrier vous est plus familier. Maintenant, écoutez moi, et surtout de m’interrompez pas, Londubat.
Elle se tut un instant, prenant une bouffée de courage. Suspendu à ses lèvres, Neville sembla entrer peu à peu dans un rêve éveillé. Il ne comprenait pas. Harry n’avait jamais fait de mal à personne. Comme pouvait il ? Non, c’était absolument impossible. Il était l’élu, celui qui devait tuer Voldemort, pas celui qui devait l’aider ! Le monde semblait être en train de basculer autour de lui. Tout ce qu’il croyait, remit en cause. Et Ron ? Et Hermione ? Ginny ? Fred et Georges ? Etaient ils au courant ? Etaient ils de mèche avec lui ? Ce que lui montra ensuite la vieille femme finit de l’achever. Il pouvait être l’élu. Peut être que la prophétie le concernait lui, et non Harry… Comment était ce possible ? Comment allait il faire ? »

Neville revint à la réalité. Il fallait qu’il rentre au château désormais. Poudlard avait bien changé désormais. Potter n’était plus celui qu’il avait connu. Il était devenu quelqu’un rongé par la haine, dévoré par la magie noire. Il était devenu ce qu’il avait toujours juré de combattre, et Neville comptait bien l’empêcher de nuire à nouveau. Ensuite, il s’occuperait de Voldemort, mais ça, c’était encore un autre problème.