❝I. STORYBOARD

Entre l’idée et la réalité
Entre le mouvement et l’acte
Tombe l’Ombre.
Entre la conception et la création
Entre l’émotion et la réponse
Tombe l’Ombre.
Entre le désir et le spasme
Entre la puissance et l’existence
Entre l’essence et la descente
Tombe l’Ombre.
Car Tien est le Royaume.
C’est ainsi que finit le monde,
Pas sur un Boum, sur un murmure.

Putain. Catin.
Garce. Salope.
Mots doux susurrés à une oreille attentive. Regard glacé, hors du temps. Elle ne voit que lui, pour lui il n'y a qu'elle. Une courbe gracieuse distord son corps à l'agonie. Un cri franchit la barrière de ses lèvres. Les spasmes continuent, elle ne peut s'empêcher de gémir. Plus crier, sa voix l'a abandonnée. Petite lâche. Cordes vocales enrouées. Mal de crâne. Mal de dos. Mal de vie. Minable pute. La baguette s'élève, il lui semble que c'est un absolu. Un éclair, et un spasme à nouveau. D'autres supplient. D'autres demandent. D'autres se battent. Elle attend. La tempête passera. Elle le regarde avec ses yeux sans vie, le met hors de lui sans même le vouloir. Il lui attrape les cheveux, la force à relever la tête, le buste. Il entraînerait le corps tant sa force est grande. Ou tant elle est faible. « Tu es faible. » confirme-t-il, entrant par la force dans son esprit embrumé. Elle est occlumens, mais semble souffrir depuis des heures. Une éternité, songe-t-elle sans amertume. Elle a dépassé ce stade. Son esprit laisse filtrer ses informations, mais le plus important reste enfermé dans ce coffre imprenable. Ce n'est pas un dragon qui en est le gardien, c'est quelque chose de bien pire. Volonté. Espoir. Secret. « Faible. Comme les traîtres à leur sang. Comme les moldus. » Elle laisse couler. Elle se fiche de son opinion. Être stupide, incapable d'une pensée cohérente. Paranoïaque. Maniaque. Il est un condensé de ce qu'elle méprise. Bouffon. Incapable. Elle a quinze ans, il en a presque vingt. « Comme la pute qui te servait de mère. »
La drame est vieux d'une semaine.
Son coeur pleure encore la femme qui l'aimait, qui l'a parfois défendue face à ce frère abusif. Cette femme tendre, à l'amour éternel pour le mari mangemort et la fille qui en était loin. Mère attentionnée, qui lui apprend à dissimuler les frasques de son esprit. Grande magicienne dans un corps trop faible, la maladie l'a emporté. Dit-on. Seven connaît la vérité, elle se tient à genoux au dessus d'elle. Elle a les yeux d'un fou, sa baguette est relevée au dessus de son bas ventre. Le sort s'est arrêté. La pointe de l'instrument caresse sa peau nue. Nue? Oui. Il l'a attrapée lorsqu'elle se changeait. Elle a baissé sa garde, n'avait pas sa baguette. Rentrée de l'école pour enterrer le seul être qui l'a jamais aimé. Elle y retourne demain. Il ne pouvait pas laisser passer cette occasion. Son épiderme se rebelle face au contact. Chair de poule. De dégoût. Elle lui vomirait dessus si le contenu de son estomac n'était pas répandu sur le tapis, plus loin. Elle le frapperait, si chacun de ses muscles n'était pas endoloris. « Moi au moins...J'avais une mère. » souffle l'impertinente crétine, consciente de ce qui suivra. Sa main serre son cou fragile. Elle a fusé du néant pour s'agripper à sa proie. Et elle serre. Et elle serre. La baguette continue son chemin jusqu'au bas de son ventre, passe sur la fine culotte qu'elle porte. S'arrête. Ses jambes sont nues, elle n'a pas pu enfiler son pyjama. « Une pute. » Celle qui a remplacé la sienne. Il a haït la nouvelle femme plus que tout et lorsque son ventre est devenu rond, il a cru devenir fou. Martyrisé, la petite soeur qu'il aurait du adoré. Prochaine étape? Il accentue la pression contre sa culotte, avec sa baguette. Elle sent un morceau pénétrer légèrement. Elle se contracte, cherche à fermer le passage. Sa bouche s'ouvre encore. « Une mère. Qui m'aime. M'a aimé. Jusqu'au bout. » Ce qui est advenu de l'autre, nul ne le sait. Sahel l'écoute, elle le voit se crisper mais semble fasciné par ses actes. « Une pute. Comme toi. » Un corps en furie hormonale. Il réagit. Logique. Elle hait cet homme, pourtant. Le paradoxe est puissant. Que faire? Il a déjà décidé. « Maso. » précise-t-il, alors que le tissu se déchire. Elle aurait du fermer les yeux mais tient à l'affronter bien en face. Elle sait que chaque incantation la rend plus forte. Elle sait qu'un jour, elle y arrivera. La force de son espoir aurait pu l'enrober comme une lueur protectrice. Aurait du. Rien ne peut plus la sauver désormais. Son coeur est lourd, gorgé de larmes non versées. Elle n'a pas pleuré, ne pleurera jamais. Plus jamais. « Une minable. Comme toi. » halète-t-elle, et il hurle: « ENDOLORIS! » Le sort s'infiltre en elle, au plus profond de son être. Elle se tord, pousse un cri...Et s'éteint. Elle a perdu conscience. Au réveil, il aura disparu. Un cauchemar. Rien d'autre. Pourtant elle a la vague impression qu'il lui murmure quelque chose.

♣

Dehors, il fait nuit noire.
Des ténèbres de poix ont pris place dans la chambre. Rien ne filtre comme lumière, en dehors de la demi-lune. Elle n'en a pas besoin. Elle y voit parfaitement bien. Sa baguette pointe vers l'armoire, elle songe à un sort. Le vêtement se plie, s'envole et se dépose dans la valise, qui elle-même ira se ranger dans son sac à main enchanté. Chemise blanche? Oui. Uniforme de l'école? Son coeur se serre. Plus jamais. Tout a basculé en si peu de temps. Poudlard était encore son foyer, un endroit où il ne pouvait l'atteindre. Même en devenant professeur, elle était protégée. A sa façon. Nous vous annonçons la fermeture de l'école. Nouvelle. Drame. Elle se souvient du vide qui l'a envahit. Elle se souvient des larmes et des cris, des refus, tout autour d'elle. Elle se souvient n'avoir pas bougé. Elle a obéis, simplement, évitant de croiser le regard triomphant du frère tant haït. Elle a fait ses bagages dans la salle commune, de façon mécanique. Princesse des glaces, c'est ainsi qu'on la surnomme. Capable de geler son coeur pour ne plus rien ressentir. Elle le doit. Sinon elle craque. Il lui faut du temps. Du temps et de la patience, pour s'adapter. Pour accepter. Sauf que cela, elle ne peut tout simplement pas. Jamais. Impossible.
Alors, elle a pris une décision.
Elle s'est laissée deux semaines. Serrant un gallion enchanté entre ses doigts fins, elle a attendu la réponse. La lueur d'espoir. Elle jouait de façon mécanique, le jour, la nuit. Puis elle a ouvert les yeux et a su qu'il fallait qu'elle s'en aille. Qu'elle devait chercher ceux qui se battaient, et les aider. Seven n'a pourtant rien d'une héroïne. Le sang la dérange, la noirceur qui se répand tout autant. Elle refuse d'être assujettie à un homme sans conscience, sans légitimité ni connaissance. Elle admet et admire sa maîtrise des arts noirs, elle est fascinée par tout ce qu'il est capable d'engendrer, par ce chaos qu'il a mis en place, par ce monde qu'il fait se prosterner à ses pieds, mais refuse que cela continue. Paradoxe, encore. Le Lord Noir est une source d'apprentissage mais elle ne peut le supporter. Chaussette? Oui. Bandeau? Un seul, le vert argent. Maman. Sa valise continue toute seule, elle se remplit et Seven contrôle, machinale. Elle se souvient d'avoir vu cet homme, emmenée par son père et son frère dans un Manoir. Elle se souvient des yeux qui ont tenté de sonder son âme. Elle se souvient du calme absolu qui l'a envahie alors qu'elle laissait filtrer à travers sa barrière les seules informations acceptables. Elle était Seven Selwyn, fille de mangemort, adoratrice de cet homme magnifique à qui elle vouait une secrète passion. Fidèle banale. Enfant qui deviendra femme, qui deviendra esclave. Soumise à lui. Elle laisse échapper un fantasme inventé, fait mine de rougir lorsqu'il la regarde. Puis il s'en désintéresse, et elle aussi. Elle observe un portrait bouger. Le Seigneur des Ténèbres...
Elle aimerait le voir disparaître.

Son sac est fin prêt. Chambre vide. Ou presque. Sa bibliothèque regorge encore de livres sur la magie noire qu'elle connaît par coeur. Elle n'emporte que les ouvrages précieux. Son armoire est plein de robes sorcières. Elle n'a pris que ses habits moldus, dissimulés dans un double fond. Sa poche est pleine de gallions d'or, elle devra les vendre pour avoir de la monnaie normale. D'un regard, elle embrasse la pièce. Puis elle s'avance. Et s'arrête. Elle va jusqu'à sa table de nuit et tapote du bout de sa baguette le dernier tiroir. Elle en sort une photo animée et une bague à pierre verte, qu'elle glisse dans l'une des poches avant du sac. Puis elle ouvre la fenêtre. Elle expire, elle saute.
Un éclair rouge lui passe à côté à peine a-t-elle atterrit, sans dommage grâce à un sort de ralentissement. Elle sort sa baguette de sa veste, la pointe vers l'agresseur qui sort de l'ombre. Visage déformé par une expression de triomphe. « Je le savais. » murmure-t-il, sa voix est calme mais ses yeux trahissent son excitation. Il s'imagine chasser sous peu. Ramener la fugueuse, la traîtresse -car aucune preuve ne valait mieux que celle-la. Il fantasme encore. Trop. Trop vite. Stupéfix! s'écrie-t-elle, sa propre baguette se teinte de rouge mais il esquive le sort d'un simple bouclier. Protego maxima! L'éclair doré s'écrase sur le bouclier qui vole en éclat. Heureusement, l'Impardonnable ne la touche pas. Le duel continue. Ils s'enfoncent dans le bois entourant la demeure, elle se cache derrière un arbre et enchante l'une des branches. Il la cherche. Il l'appelle, de sa voix sifflante, caressante. Aussi douce que le venin d'un serpent. Elle trésaille. Il est son seul cauchemar. L'habituel. Elle sait lui tenir tête, veut le vaincre, mais n'y parvient jamais totalement. Il l'effleure, passe non loin. Il ne la voit pas, figée, ensorcelée pour ressembler à l'arbre. Il pose sa main non loin de sa tête. La baguette de Seven est pointée droit sur lui. Stupéfix! pense-t-elle et l'éclair rouge, il ne peut l'éviter. Il se le ramasse de plein fouet, figé dans une grimace enragée. La jeune blonde s'avance, le toise. De haut, pour une fois. Elle pointe sa baguette sur son visage. Elle devrait lui rendre la monnaie de sa pièce, mais son coeur est gelé, glacé. Trop mort pour réagir. « Suis moi, essaie de me retrouver, et...Tu comprendras le sens du mot cauchemar. » Pas de coup physique en traître, rien. Elle sort du domaine et transplane dés qu'elle le peut en plein centre de Londres. Dans sa main gauche, tout du long, elle a serré ce gallion magique. Il lui brûle la paume mais ne change pas de couleur. Il n'émet toujours pas.
Elle ferme les yeux, serre le poing. Il s'imprime dans sa main.
Pourquoi est-ce qu'elle ne répond pas?